Décélérer, soumettre le temps (États généraux, mai-juin 1789) // [Detecting and submitting time (1789)]

Abstract
Souvent présenté comme le détonateur d’une brusque et vaste accélération de l’histoire, le mois de mai 1789 qui voit s’ouvrir les États généraux n’est pourtant pas du tout vécu de cette manière par ceux qui sont présents à Versailles ou qui, de plus loin, suivent les événements au jour le jour. Prévus pour aboutir à un accord rapide, les États commencent contre toute attente dans la lenteur, l’inertie et la paralysie, faisant du mois de mai 89 un des plus longs de l’histoire de France. Impulsé par les députés du Tiers État pour faire reconnaître leurs revendications, ce tempo proche du blocage, bientôt insupportable, joue un rôle majeur dans le déclenchement de la Révolution, à partir de la moitié du mois de juin. Dans cet article, nous voudrions montrer que la radicalité révolutionnaire ne naît pas seulement d’une accélération de l’histoire, mais de la volonté des patriotes de soumettre le temps qui leur est imposé, c’est-à-dire de le ralentir puis de le faire sortir hors de ses ornières, à leurs propres risques et périls.