Écriture et expérience de l’effacement // [Writing and the experience of effacement]

Abstract
Dans la perspective politiquement conservatrice qui est celle de l’écrivain Jules Barbey d’Aurevilly (1808-1889), le présent semble voué au vide et à l’absence, quand le passé – le temps d’avant la Révolution française ou des derniers combats antirévolutionnaires du début du xixe siècle – se trouve célébré avec nostalgie. Au-delà de ce positionnement politique explicite, on peut trouver dans les romans de Barbey une figuration spécifique du vide du présent. Et inventer ainsi, avec Barbey, une sorte d’historiographie alternative, où les traces du passé importent moins que les marques de son effacement dans le présent – une historiographie de la hantise. Cet article propose également une contextualisation de cette écriture du présent vide chez Barbey, en soulignant que le projet littéraire de l’écrivain s’est développé à l’époque, et dans l’ombre, de la révolution de 1848. Comme homme de lettres et journaliste, Barbey s’est d’abord engagé pour la cause du parti légitimiste et la défense des Bourbons ; en 1851, il se rallie pourtant au gouvernement autoritaire de Louis Napoléon Bonaparte. Ce tournant dans l’expérience politique de Barbey n’est pas visible dans ses romans : il a été effacé. Le vide et l’insipidité du présent dans les romans aurevilliens peuvent être perçus comme autre chose que la seule expression d’une pensée historique réactionnaire : ce sont les indices d’un effacement, les marques d’une action de non-représentation d’une expérience politique.