Le grand récit émancipateur chez Lyotard, entre validité et invalidation // [The master narrative of emancipation in Lyotard, between validity and invalidation]

Abstract
L’hypercritique, en tant que critique radicale, critique des pratiques critiques de la première modernité, déconstruit les philosophies émancipatrices, les analyse comme des narrations où le sujet narrateur se prend comme objet narré pour raconter sa marche héroïque vers l’émancipation : « La fonction narrative », écrit Lyotard dans La condition postmoderne, « perd ses foncteurs, le grand héros, les grands périls, les grands périples et le grand but » . La critique de la modernité ne passe pas par un examen des postulats de la pensée moderne (par exemple la validité de l’idée de perfectibilité humaine ou sociale), mais d’abord par une comparaison de la philosophie de l’Histoire avec ses réalisations. L’amer constat des échecs des grands récits modernes n’empêche pas Lyotard de maintenir un idéal de justice. Le situer dans l’ordre autonome et hétérogène de l’Histoire, voilà la leçon qu’il tire de son hypercritique postmoderne. Il y a un différend insurmontable entre l’Idée (de justice, de liberté) et le réel. Seul ce dernier accueille la narration.