Apocalypse, messianisme et « présentisme » // [Apocalypse, messianism and "presentism"]

Abstract
Le discours apocalyptique est souvent pensé par les contemporains comme prophétique et linéaire. Or pour les chrétiens anciens, plus qu’un moyen de prévoir le futur, l’Apocalypse était un lieu de révélation des choses cachées. Le temps était quant à lui perçu selon un modèle typologique qui n’avait pas grand-chose à voir avec nos schémas chronologiques unilinéaires modernes. Un bon exemple de ce type de raisonnement est fourni par le dossier du Commentaire de l’Apocalypse de Beatus de Liébana (Espagne, fin du viiie siècle) et par les enluminures qui l’accompagnèrent pendant plusieurs siècles. Ces images, qui étaient connues de plusieurs artistes du xxe siècle, dont Picasso, qui s’en inspira pour son Guernica, trouvent une curieuse résonnance chez un certain nombre de penseurs contemporains du fait messianique (Rosenzweig, Benjamin, Scholem, Agamben, etc.). Nous proposons donc d’utiliser la catégorie du messianisme pour comprendre la pensée apocalyptique médiévale et nous concluons en rappelant que tous ces discours ont en commun de bien marquer « la profondeur de l’instant au détriment des “grands récits” construits sur un enchaînement bien ordonné de causalités ».