Actualité, événement et histoire dans L’Été 80, de Marguerite Duras

Abstract
Romancière, Marguerite Duras configure peu ses histoires, tout en accordant une place centrale à l’événement comme rupture et entrave ; femme d’engagements, fidèle à un « communisme de pensée » (pour reprendre l’expression de Dionys Mascolo), l’auteur délaisse cependant dès 1950 toute pensée doctrinaire. Depuis 1968, seule l’utopie l’intéresse. Lorsque en 1980 le directeur de Libération, Serge July, lui demande d’écrire pour son journal des chroniques qui se consacreraient à l’« actualité parallèle » délaissée par l’« information d’usage », Duras accepte. Deux mois durant, à raison d’un mercredi par semaine, elle arrête ou épouse le « passage du temps » : on y suit « la grève calme des ouvriers du chantier naval de Gdansk », l’amour fou d’une jeune monitrice de colonie de vacances pour un enfant à qui elle donne rendez-vous à sa majorité, « le 30 juillet à minuit », l’arrivée auprès de la chroniqueuse du « vous » qui deviendra à l’automne « Yann Andréa », le dédicataire du livre. Cet été-là, « sur Gdansk j’ai posé ma bouche et je vous ai embrassé », nous apprend Duras. Écriture du présent, et au présent, la chronique de L’Été 80 fabrique l’événement tout comme elle rejette son historicité en sa réécriture, douze ans plus tard, sous le titre de Yann Andréa Steiner.